Le licenciement d’un travailleur en incapacité de travail (mais pas atteint d’un handicap) est-il une mesure discriminatoire fondée sur l’état de santé ? Non, si le licenciement est justifié par la nécessaire réorganisation du service.
Une travailleuse est licenciée moyennant le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis pendant son incapacité de travail en raison d’un burnout. Elle cite son ancien employeur devant le Tribunal du travail de Bruxelles :
- La travailleuse est au service de l’employeur depuis 2008. En février 2013, elle est promue et reçoit une augmentation liée à des objectifs à atteindre en 2016 et puis en 2018.
- Du 1er juillet 2013 au 28 février 2014, la travailleuse est en incapacité de travail en raison d’un burnout. L’employeur pallie d’abord ponctuellement à son remplacement. Ensuite, une réorganisation plus profonde du service a lieu et les tâches de la travailleuse sont redistribuées.
- Début janvier 2014, une réunion est fixée pour discuter des possibles modalités de réintégration, ce qui s’est finalement révélé impossible. La travailleuse a par ailleurs annoncé qu’elle ne pourrait reprendre le travail à 20 % comme envisagé car son incapacité devait être prolongée jusqu’en mars 2014.
- Le 17 février 2014, l’employeur rompt le contrat de travail pour raisons d’organisation du service moyennant le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis.
- La travailleuse conteste le motif de son licenciement considérant que celui-ci est discriminatoire car il serait en réalité lié à son état de santé, critère protégé par la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, et demande la condamnation de l’employeur à des dommages et intérêts.
- La travailleuse entend rapporter la preuve de l’existence d’une présomption de discrimination (comme l’exige l’art. 28 de la loi précitée) entre autres par les faits suivants :
- Elle est la seule travailleuse licenciée suite à la réorganisation alors qu’elle avait été promue, or rien ne la distingue des autres employés si ce n’est son état de santé ;
- la réorganisation et la disparition de sa fonction sont les conséquences directes de son absence pour maladie puisque :
- La réorganisation n’a jamais été évoquée avant son licenciement, pas même lors de l’entretien du 17 février 2014 ayant précédé le licenciement ;
- Un e-mail du 5 février 2014 fait référence à une réunion à l’issue de laquelle serait déterminée la meilleure manière d’annoncer le licenciement suite au burnout ;
- Un courrier du 25 juillet 2014 mentionne expressément que l’employeur a été obligé de réorganiser le service suite à l’absence de la travailleuse
- L’employeur estime que le licenciement est valablement justifié par la redistribution des tâches de la travailleuse, rendue nécessaire en raison de son absence prolongée, entraînant ainsi la disparition de sa fonction.
Le Tribunal du travail de Bruxelles a estimé que les éléments invoqués par la travailleuse ne permettent pas de présumer l’existence d’une discrimination sur base de l’état de santé. Le Tribunal a donc décidé que dans l’incertitude sur la date de retour de la travailleuse, il est compréhensible que l’employeur, après avoir d’abord pallié ponctuellement à l’absence de la travailleuse, ait finalement été contraint de réorganiser le service de manière plus structurelle, compte tenu des nombreuses tâches assignées à la travailleuse Le Tribunal a par ailleurs constaté que la redistribution de ses tâches était effective et démontrée. L’employeur s’est dès lors valablement fondé sur les conséquences organisationnelles de l’absence de la travailleuse pour procéder au licenciement. Le Tribunal a par conséquent rejeté la demande de dommages et intérêts de la travailleuse
Le Tribunal aurait sans doute pris une décision similaire si une demande avait été formulée sur base de la C.C.T. 109 (non encore en vigueur au moment des faits). En effet, le licenciement fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service (et qui aurait pu être décidé par un employeur normal et raisonnable) n’est pas manifestement déraisonnable.
Toutefois, dans le cas d’espèce l’incapacité de travail n’était pas causée par un handicap, auquel cas la décision du Tribunal aurait pu être differente. Voir notamment https://reliancelaw.be/en/employer-sentenced-not-taken-appropriate-measures-employee-disability/
Christine Rizzo
Trib. trav. Bruxelles (3ème ch.)
13 juin 2016
J.T.T.
2018/1, p. 10